English version

Versión española


Bienvenue
Retour à la
page d'accueil

Présentations
L'ACICI en bref :
buts, services

Documentation

 Notes de synthèse 

Rapports de
séminaires

Documents divers

Portraits

Portail du commerce
Portail d'accès
au commerce
international et
au développement
économique

Orientation
Plan du site

Contact
Les moyens de 
nous joindre
     

Note de synthèse

May 2001

L'Accord de partenariat ACP - CE (Accord de Cotonou) : Volet commercial

Introduction

L'Accord de Cotonu 

Les dispositions commerciales de l’Accord de Cotonou

“Philosophie” générale

Points essentiels

La reconduction du régime de Lomé

La période transitoire (2002 - 2008)

Après 2008

Critiques

Relations avec l’OMC

Rendre compatible le régime commercial ACP - CE avec l’OMC

La reconduction du régime de Lomé jusqu’en 2008 et l’OMC

Les APE d’après 2008 et l’OMC

Conclusion

 

I. Introduction

1. L’Accord de partenariat ACP – CE (plus communément appelé Accord de Cotonou), signé le 23 juin 2000 dans la métropole béninoise entre 77 (note 1) pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique et la Communauté européenne est à inscrire comme un pas historique dans les longues relations entre ces deux groupes de pays et comme une étape majeure dans la définition des politiques de développement et des relations Nord-Sud au niveau planétaire (voir l’Annexe 1 pour un rappel de l’historique des relations ACP – CE). De fait, avec ses 93 Etats parties (note 2(voir l’Annexe 2), cet accord constitue le plus vaste ensemble mondial de coopération pour le développement et met aux prises près d’un milliard d’individus au travers de la moitié des Etats souverains de la planète.

2. L’objet de la présente note est de relever la structure et les principales innovations de l’Accord de Cotonou pour ensuite en commenter les dispositions directement liées aux aspects commerciaux et d’enfin analyser en quoi ces dernières concernent les règles et disciplines multilatérales de l’OMC.

 

II. L’Accord de Cotonou

3. Dès 1996, tant parmi les pays membres de l’UE que de la part des pays ACP, s’est manifestée la volonté de réviser certaines dispositions de la Convention de Lomé IV qui était en vigueur depuis 1989, notamment pour les raisons suivantes :

Du point de vue politique, il s’agissait de mieux intégrer les acteurs de la “société civile” et du secteur privé aux stratégies de développement. Mais de la part de l’UE, il s’agissait également de soumettre son assistance à une forme de conditionnalité liée au respect de l’Etat de droit et à la bonne gestion des affaires publiques.

Du point de vue commercial, il s’agissait de répondre aux résultats mitigés du régime de préférences commerciales non-réciproques des Conventions de Lomé (ci-après point III). Mais il s’agissait aussi d’apporter une réponse à la “multilatéralisation” croissante des concessions tarifaires accordées par l’UE au travers de l’OMC et qui grève les pays ACP d’une part substantielle de leurs avantages sur le marché européen (note 3) . Enfin, il s’agissait de prendre en compte les nouvelles formes non-tarifaires d’obstacles aux échanges utilisées par la CE, telles par exemple les normes sanitaires et phytosanitaires, les normes de qualité ou les obstacles techniques au commerce.

 

4. D’intenses négociations se sont tenues entre septembre 1998 et février 2000 (dix-huit mois) pour aboutir à l’Accord de Cotonou qui se réclame d’une approche globale du développement, autrement dit qui ne se réduit pas à sa seule dimension commerciale. Comme en témoigne en partie la structure de l’Accord, il est organisé autour de cinq piliers :

La dimension politique. Les questions de protection des droits de l’homme, de résolution des conflits armés et de promotion de la démocratie par le dialogue politique sont abordés dans l’Accord de Cotonou comme des composantes essentielles du développement. Mieux, et ceci constitue un élément non-négligeable au plan international, un mécanisme de contrôle institutionnel y est instauré de façon à mesurer le niveau de corruption et de respect des principes de bonne gouvernance dans les pays ACP, autorisant l’UE à réduire son assistance en cas de manquement grave à ces principes.

La promotion des approches participatives. Dans un souci d’efficacité dans la mise en œuvre de l’Accord, une politique générale d’information et de transparence vis-à-vis de la société civile, des ONG, du secteur privé ou encore des acteurs sociaux est instituée. Elle prévoit notamment le développement de leurs capacités, leur mise en réseau et leur consultation quant aux réformes économiques et sociales à engager.

L’objectif central de réduction de la pauvreté. L’Accord postule que la pauvreté relève d’une réalité complexe et que les stratégies visant à la réduire doivent être élaborées sur un plan national en intégrant les dimensions économiques, sociales et culturelles et les questions institutionnelles, environnementales et d’égalité hommes-femmes. Un instrument de mesure (quantitative et qualitative) de réduction de la pauvreté est mis en place.

La réforme de la coopération financière. La partie 4 de l’Accord lui est entièrement consacrée et relève souvent d’aspects forts techniques. C’est que le montant de l’aide publique européenne au développement relève d’une importance centrale pour les pays ACP qui du reste se sont montrés quelque peu “déçus” des sommes engagées pour la période 2000-2005 (note 4) . Si les deux instruments traditionnels de financement européen du développement (FED et BEI) sont maintenus avec l’Accord de Cotonou, ils font toutefois l’objet de profondes réformes, notamment du point de vue de la rationalisation et de l’allègement de leurs procédures. Ceci devrait garantir une meilleure vue d’ensemble et surtout assurer une plus grande flexibilité aux programmes d’assistance financière.

La nouvelle coopération économique et commerciale. A terme, l’Accord de Cotonou impliquera des transformations profondes du régime commercial ACP – CE.

 

III. Les dispositions commerciales de l’Accord de Cotonou

          A) “Philosophie” générale

5. L’objectif de base sous-jacent à l’ensemble des dispositions commerciales de l’Accord de Cotonou consiste à intégrer les pays ACP dans l’économie mondiale, autrement dit à les faire participer au mouvement de mondialisation de façon à ce qu’ils en tirent pleinement profit. A terme, il s’agit de créer chez eux des conditions-cadres favorables à l’ouverture de leur marché en s’appropriant le postulat libre-échangiste selon lequel le commerce de biens et de services entre nations est un moteur puissant de développement et de réduction de la pauvreté. L’expérience de 25 années de coopération commerciale sous les Conventions de Lomé a en outre montré que les seules concessions tarifaires n’étaient pas suffisantes au développement du commerce extérieur des pays ACP (note 5) . De fait, et à l’exception de quelques secteurs très spécifiques de produits tropicaux et du cas de Maurice, le régime commercial préférentiel de Lomé n’a pas permis aux ACP d’augmenter leurs parts de marché dans l’UE au détriment des pays d’Asie qui, par le Système généralisé de préférences (SGP), bénéficient pourtant d’un régime d’importation “moins préférentiel” que les ACP sur le marché communautaire (note 6) . C’est que les produits issus des pays ACP souffrent d’un déficit considérable de compétitivité sur un plan international et qu’il convient désormais, en sus des préférences tarifaires, d’assister efficacement ces derniers dans la restructuration de leur outil de production. Les contraintes du côté de l’offre, autrement dit la diversification des produits, la maîtrise des coûts de production, l’adaptabilité rapide aux changements de la demande mondiale, etc., tels sont des aspects qui désormais sont pleinement pris en compte par l’Accord de Cotonou.

           B) Points essentiels

6. De façon synthétique, il faut retenir les trois décisions suivantes qui sont centrales dans le volet commercial de l’Accord de Cotonou et que nous commentons ci-après :

Le régime de préférences commerciales non-réciproques des Conventions de Lomé est reconduit mais de manière transitoire seulement jusqu’en 2008.

A partir de septembre 2002, les pays ACP qui le souhaitent pourront engager, sur une base nationale ou régionale, des négociations commerciales en vue d’aboutir, d’ici à 2008, à un Accord de libre échange avec l’UE.

A partir de 2008, l’UE cessera de traiter commercialement tous les pays ACP de la même manière. Différents régimes commerciaux entreront alors en vigueur entre les ACP et l’UE en fonction du niveau de développement de chacun (PMA ou non-PMA) et/ou de son appartenance à une organisation régionale. 

C) La reconduction du régime de Lomé

7. L’Accord de Cotonou n’est pas à proprement parler un nouvel accord commercial entre les pays ACP et l’UE. En effet, à quelques détails près et d’ici à 2008, il se contente de reconduire le régime qui a cours depuis 25 ans. Ce régime de Lomé, dont nous rappelons les grandes lignes à l’Annexe 3, bien qu’appelé à disparaître, demeure néanmoins important à deux titres. D’abord parce qu’il va régir pour sept ans encore les relations commerciales de 76 pays (note 7) avec le plus grand marché intégré de la planète. Mais surtout parce qu’au-delà de 2008, il pourrait continuer à être en vigueur pour ceux des pays ACP qui relèvent de la catégorie des PMA et qui en auront exprimé le souhait (voir ci-après). 

D) La période transitoire (2001 – 2008)

8. Cette période de sept ans est prévue par l’Accord de Cotonou pour que les pays ACP négocient et adoptent de nouveaux régimes commerciaux à l’endroit de l’UE. Concrètement, il s’agira pour les ACP qui le souhaitent, de négocier des accords de partenariat économique (APE), autrement dit des accords de libre échange (ALE) classiques - prévoyant la réciprocité dans les concessions - mais augmentés d’un volet d’assistance financière de façon à en faciliter la mise en œuvre. Du point de vue de l’UE, les APE devraient permettre d’intégrer simultanément les trois dimensions suivantes :

Favoriser l’intégration régionale des ACP. L’Accord de Cotonou encourage la conclusion des APE sur une base non pas nationale mais régionale. Outre d’ainsi favoriser la consolidation des organisations économiques régionales dans les ACP, cette façon de procéder autoriserait surtout une rationalisation du travail et une économie des ressources disponibles tant au sein de la Communauté que dans les ACP. Selon les termes de l’Accord, il revient aux ACP eux-même de déterminer s’ils souhaitent engager des négociations commerciales avec l’UE sur une base nationale ou régionale.

Tenir compte du cas particulier des PMA. Etant donné la fragilité de leurs économies, les PMA (dont 39 appartiennent au groupe ACP) ne seront pas tenus de négocier d’APE avec l’UE pour conserver leur niveau actuel d’accès au marché communautaire. Autrement dit - et s’ils le souhaitent - les PMA pourront conserver le régime de Lomé au-delà de 2008. Bien que non comprise dans l’Accord de Cotonou, il convient de mentionner en outre l’initiative de l’UE dite de “Tout sauf les armes” (TSA) qui s’adresse à l’ensemble des 49 PMA de la planète (qu’ils soient ACP ou non) et qui a été adoptée par l’UE à la fin du mois de février 2001. Cette initiative, qui a pris effet le 5 mars 2001, élimine tout droit de douane et tout quota sur le marché communautaire pour les produits en provenance des PMA à l’exception des armes (note 8) .

Libéraliser le commerce entre les pays ACP et l’UE sur une base de réciprocité conformément aux règles de l’OMC. Le régime de Lomé ne prévoit pas de réciprocité dans les concessions commerciales, ce qui est en contradiction avec la clause de la nation la plus favorisée contenue dans les Accords de l’OMC (ci-après partie IV). Aussi les pays ACP devront-ils à l’avenir, au travers des APE, accorder les mêmes préférences commerciales aux produits communautaires entrant sur leur territoire que celles qui leurs seront accordées par l’UE. Il s’agira donc pour les pays ACP d’ouvrir leurs marchés à la concurrence européenne, le volet d’assistance financière contenu dans les APE étant là pour les aider à assumer cette mue. Pour ceux d’entre eux qui ne souhaiteraient pas négocier d’APE avec l’UE et qui ne sont pas des PMA, le régime communautaire du SGP (admis par l’OMC) pourrait alors leur être appliqué.

9. Plusieurs choix sont ainsi offerts aux ACP pour ce qui concerne le statut de leurs futures relations commerciales avec l’UE dont il n’est pas a priori aisé de déterminer lequel leur apportera le plus de bénéfices :

Pour les ACP ne relevant pas de la catégorie des PMA : faut-il négocier un APE ou lui préférer le régime SGP de l’UE tel qu’il sera révisé en 2004 ? (note 9) Et dans le cas où l’APE est choisi, faut-il le négocier seul ou sur une base régionale ?

Pour les ACP relevant de la catégorie des PMA : faut-il négocier un APE ou lui préférer le maintien du régime de Lomé ? Et dans le cas où l’APE est choisi, faut-il le négocier seul ou sur une base régionale ?

10. De façon à ce que chaque pays ACP ait le temps d’arrêter son choix, le calendrier prévoit que les négociations des APE proprement dites ne débuteront pas avant septembre 2002, laissant ainsi près de deux ans aux ACP pour s’y préparer. Par la suite, soit entre septembre 2002 et janvier 2008, les étapes de négociation ont été planifiées selon les grandes lignes que nous exposons dans le tableau de l’Annexe 4. 

E) Après 2008

11. Comme on le pressent, l’architecture normative des relations commerciales entre les pays ACP et l’UE risque d’être pour le moins complexe à partir de 2008. Une longue période de mise en œuvre des accords qui auront été négociés est du reste prévue jusque vers 2018 ou 2020. Quoi qu’il en soit, une distinction sera alors faite au sein de la famille ACP entre les PMA et les non-PMA ainsi qu’entre les signataires d’APE et les non-signataires d’APE. De fait, à un seul accord global et unique pour l’ensemble des ACP succèdera un morcellement des régimes commerciaux ACP – CE dont on distingue aujourd’hui encore difficilement les contours. Du point de vue politique, la cohésion du Groupe ACP, voire sa propre raison d’être, s’en trouvera mis à mal et devra en tout état de cause faire l’objet d’une redéfinition. 

F) Critiques

12. A notre sens, des critiques de quatre ordres peuvent être formulées à l’endroit du “scénario commercial” prévu par l’Accord de Cotonou :

La complexification de l’architecture normative. La mosaïque des liens commerciaux entre les ACP et l’UE qui s’établira après 2008 engendrera une administration des traités coûteuse et difficile. Sur un plan technique, et dans le cas fort probable où des pays ACP limitrophes ne seraient pas soumis au même régime commercial à l’endroit de l’UE, il en résultera la nécessité de renforcer le système des règles d’origine et du contrôle aux frontières. L’effet de consolidation de l’intégration régionale risque alors de manquer de se produire, les échanges commerciaux de s’en trouver freinés et la charge administrative pour les ACP de s’accroître.

La dimension régionale. Si elle part vraisemblablement d’une bonne intention de la part de l’UE, la perspective pour les ACP de négocier des APE sur une base régionale pourrait s’avérer créatrice de complications. Car pour ce faire, plusieurs conditions préalables devraient être réunies. D’abord, les régions “éligibles” à la négociation d’un APE avec l’UE devraient constituer des zones commerciales effectives, autrement dit être organisées en zone de libre échange ou en union douanière. Ensuite, il s’agirait pour les Etats membres de ces zones commerciales de se mettre d’accord sur un mandat de négociation, donc de mener entre eux des discussions techniques avant septembre 2002. Enfin, et dans bien des cas, il s’agirait de déléguer à une instance supranationale le Treaty making power, autrement dit la compétence à conclure des accords internationaux. Or, force est de constater que pour l’heure, rares sont les organisations régionales dans les ACP qui, en plus d’une réelle volonté politique et des ressources suffisantes, réunissent l’ensemble de ces conditions. De fait, et selon certains analystes, seules les organisations suivantes seraient susceptibles de négocier directement un APE avec l’UE : CARICOM, “Pacific Islands Forum”, UEMOA, SACU et éventuellement COMESA.

Le choix difficile des ACP. Par l’Accord de Cotonou, les pays ACP se trouvent devant l’obligation d’effectuer des choix qui pourraient s’avérer cruciaux pour leur commerce extérieur et ce dans un court laps de temps (d’ici à septembre 2002). Alors même que la plupart de ces pays ne disposent que de maigres ressources, ils doivent se livrer à une “analyse coûts/bénéfices” complexe des différents régimes commerciaux qui leurs sont proposés dans un environnement changeant et alors même que personne ne dispose de tous les éléments de l’analyse. En effet, qui peut aujourd’hui dire avec précision ce que contiendront véritablement les APE ? Dans quelle direction le SGP de l’UE sera-t-il révisé en 2004 ? Quelle forme prendront les “autres alternatives possibles” pour les non-PMA prévues par l’article 37.6 (cf. note n°8)? Et de façon plus générale, comment évoluera l’OMC dans les sept ans à venir ? Un nouveau cycle de négociations multilatérales changera-t-il de manière significative les obligations des pays ACP dont 55 sont Membres de l’OMC ? La Commission européenne va-t-elle poursuivre sa politique commerciale extérieure en faveur des ACP sur le mode du “bilatéralisme” au travers des APE ou réorienter cette dernière dans l’enceinte multilatérale de l’OMC ? etc.

L’impact sur le développement. Il n’est pas certain à ce stade que le régime des APE régionaux ou nationaux prévus par l’Accord de Cotonou ait un impact entièrement positif sur le développement des pays ACP. En particulier, l’introduction de la réciprocité dans les concessions commerciales pourrait avoir pour effet de réduire considérablement les recettes des ACP liées aux droits de douane (note 10) sans accompagner cette dernière d’une réforme globale du système fiscal. Mais on peut aussi craindre que la diminution des droits de douane sur les importations ACP en provenance de l’UE aient surtout pour effet d’augmenter les marges bénéficiaires des exportateurs communautaires plutôt que de réduire les prix à la consommation dans les pays ACP. Certains avanceront encore que l’ouverture du marché des pays ACP prévue par le calendrier de Cotonou est trop rapide et que ces derniers ne seront pas en mesure d’opérer à temps tous les changements structurels de leur économie nécessaires à une telle libéralisation. Enfin, on peut encore relever que de par la complexité des négociations commerciales au-devant desquelles les ACP se dirigent, et compte tenu de leurs maigres ressources, cela pourrait avoir pour effet de les détourner des partenaires commerciaux autres que l’UE, sur un plan bilatéral comme sur un plan multilatéral à l’OMC (note 11

 

IV. Relations avec l’OMC

A) Rendre compatible le régime commercial ACP – CE avec l’OMC

13. Parmi les principales motivations de la CE à négocier l’Accord de Cotonou figurait celle de rendre son régime de préférences commerciales non-réciproques à l’endroit des pays ACP compatible avec les règles de l’OMC et singulièrement avec celle, fondamentale, de la non-discrimination. C’est que le système juridique régi par l’OMC compte parmi ses principes de base celui de la “nation la plus favorisée” (clause NPF) qui veut qu’à l’intérieur du système, toute préférence accordée à un Membre soit automatiquement accordée à l’ensemble des autres Membres de l’Organisation (note 12) . Les textes de l’OMC ne prévoient que deux situations dans lesquelles il peut être dérogé au principe NPF :

Au travers d’accords de libre échange prévoyant la réciprocité dans les concessions tarifaires. Aux termes de l’article XXIV du GATT, trois autres conditions doivent être réunies pour qu’un ALE soit réputé compatible avec le régime de l’OMC (ci-après point C).

Au travers de la clause d’habilitation de 1979 autorisant un traitement spécial et différencié en faveur des pays en développement (ou en faveur du sous ensemble reconnu à l’OMC des PMA). Dans ce cas de figure, un pays industrialisé est autorisé à accorder des préférences commerciales non-réciproques, mais à condition que ces dernières s’adressent à l’ensemble des PED (ou à l’ensemble des PMA). C’est sur la base de cette disposition que le SGP est légitimé dans le cadre de l’OMC (cf. note n°5).

14. Comme on l’a vu, le régime de Lomé n’est pas un accord de libre échange garantissant la réciprocité dans les concessions commerciales et il ne s’adresse pas à l’ensemble des PED. Il ne peut dès lors être légitimé à l’OMC par aucune des deux dispositions ci-dessus. Ce n’est du reste qu’en vertu d’une dérogation à la clause NPF, que le régime des préférences commerciales non-réciproques de Lomé IV a pu se maintenir jusqu’à aujourd’hui. Dans ces conditions, et de façon à régulariser à l’OMC son régime commercial à l’endroit des ACP, il ne s’offrait guère que trois solutions à la CE :

Selon l’article XXIV, transformer ses préférences non-réciproques à l’endroit des ACP en préférences réciproques au travers d’ALE.

Selon la clause d’habilitation, étendre ses préférences non-réciproques en faveur des ACP à l’ensemble des pays en développement au travers d’une réforme de son SGP.

Dans une perspective “utopiste”, attendre un éventuel cycle de négociations multilatérales à l’OMC pour étendre le niveau de ses préférences non-réciproques en faveur des ACP à l’ensemble des Membres de l’OMC sur une base NPF. 

15. La deuxième solution – qui de facto revient à faire fi de la spécificité politique du groupe ACP – ne satisfaisant personne et la troisième dépassant largement le cadre des simples relations commerciales entre l’UE et les ACP c’est, comme on l’a vu, la première qui a été retenue pour l’horizon 2008 avec, dans l’intervalle, un maintien du régime de Lomé. Se posent alors deux questions pour ce qui est de la compatibilité avec l’OMC de ce qui est prévu par l’Accord de Cotonou : Qu’en est-il du régime de Lomé à l’OMC d’ici à 2008 ? En regard des conditions de l’article XXIV, qu’en sera-t-il des APE après 2008 ? 

B) La reconduction du régime de Lomé jusqu’en 2008 et l’OMC

16. Le régime de préférences commerciales non-réciproques prévu par l’Accord de Lomé IV (signé en décembre 1989 pour dix ans) avait dû, à l’OMC, faire l’objet d’une dérogation à la clause NPF pour pouvoir entrer en vigueur. Cette dérogation avait été obtenue pour la durée de l’Accord, soit jusqu’au 29 février 2000. Il en va aujourd’hui de même pour la prolongation du régime de Lomé jusqu’en 2008 qui à son tour doit faire l’objet d’une dérogation NPF à l’OMC. L’UE, lors des négociations de l’Accord de Cotonou avait clairement manifesté à ses partenaires qu’elle ne solliciterait pas plus d’une dérogation supplémentaire à l’OMC avant que de mettre définitivement son régime commercial à l’endroit des ACP en conformité avec les règles multilatérales.

17. C’est l’article IX.3(b) de l’Accord de Marrakech instituant l’OMC qui, dans le cas présent, prévoit les règles et procédures relatives à l’obtention d’une dérogation dans le cadre d’une obligation contenue dans un accord multilatéral de l’OMC. Ainsi appartient-il d’abord aux Membres de l’Organisation, dans le cadre du Conseil du commerce des marchandises, d’“entrer en matière” sur la demande de dérogation (note 13) . Une fois entrés en matière, les Membres disposent alors de 90 jours pour se prononcer par consensus sur la demande de dérogation et transmettre leur décision pour aval au Conseil général.

18. Une demande formelle de dérogation à l’article I.1 du GATT (clause NPF) a été déposée auprès du Conseil du commerce des marchandises conjointement par la Commission européenne et, au nom des pays ACP, la Tanzanie et la Jamaïque en date du 29 février 2000 (publiée le 2 mars 2000, G/C/W/187), soit le jour même auquel la dérogation pour Lomé IV expirait et avant même la signature de l’Accord de Cotonou qui est intervenue le 23 juin 2000. Cette demande de dérogation (request for a waiver) a été complétée le 5 avril 2000, puis un projet de décision (draft decision) émanant de la CE a été circulé le 14 avril 2000 (G/C/W/187/add2 et add3). Enfin le texte même de l’Accord de Cotonou ainsi que ses Annexes et Protocoles dans les trois langues officielles de l’OMC a été communiqué aux Membres en date du 4 mai 2000 (C/G/W/204) en remplacement des communications précédentes.

19. Le Conseil du commerce des marchandises (CCM) a discuté à quatre reprises de la demande de dérogation relative à la prolongation du régime de Lomé jusqu’en 2008 lors de ses réunions suivantes :

5 avril et 18 mai 2000 (G/C/M/43)

7 juillet 2000 (G/C/M/44)

16 octobre 2000 (G/C/M/45)

14 mars 2001 (G/C/M/47)

A ce jour toutefois (fin mars 2001), et près de 13 mois après la première demande de dérogation déposée par la CE et les pays ACP, les Membres de l’OMC ne se sont pas encore entendus pour entrer en matière sur cette question et le délai de 90 jours prévus par l’article IX.3(b) ne court toujours pas. C’est dire que depuis le 29 février 2000 (date à laquelle a pris fin la dérogation de Lomé IV), l’UE applique à l’endroit des pays ACP un régime commercial qui est en contradiction avec ses engagements multilatéraux à l’OMC. 

20. Deux groupes de pays s’affrontent sur la dérogation. La CE et la Jamaïque (au nom des ACP) d’une part et certains pays d’Amérique centrale et du Sud (Colombie, Equateur, Guatemala, Honduras, Nicaragua, Panama, Paraguay) d’autre part (note 14). Le premier groupe avance essentiellement comme argument en faveur de l’obtention de la dérogation le fait qu’il ne s’agit somme toute que de reconduire la dérogation de Lomé IV (note 15) . Il insiste en outre sur le fait que la nouvelle dérogation ne porte que sur la période transitoire qui du reste est indispensable pour négocier les ALE qui mettront définitivement le régime commercial ACP – CE en conformité avec l’OMC comme pour permettre aux pays ACP d’opérer les réformes nécessaires qui y sont associées. Le second groupe quant à lui formule des oppositions à la dérogation en partie sur des questions de fond, mais aussi et surtout sur des questions de forme et de procédure.

21. Sur le fond, deux principaux arguments sont avancés à l’encontre de la dérogation :

Le premier a trait au principe même de la non-discrimination dans le système commercial multilatéral. Pour lui, de par le grand nombre de pays en développement qu’il implique, le régime de Lomé ne peut être considéré comme un Accord commercial régional conformément à l’esprit de ce qui avait été conclu à Marrakech. Par sa reconduction, il créerait de facto un système commercial discriminatoire parallèle à celui de l’OMC faisant fi des PED Membres de l’OMC qui n’appartiennent pas au Groupe ACP. C’est pourquoi, si la dérogation devait être accordée, elle devrait s’accompagner de compensations substantielles à l’égard de ces derniers.

Le second argument de fond se rapporte à la question du régime communautaire d’importation des bananes. Il est partagé par un plus grand nombre de pays que le précédent comprenant peu ou prou les Latino-américains exportateurs de bananes mentionnés ci-dessus et les Etats Unis. Revenir de façon complète sur le “conflit de la banane” dépasserait largement l’objet de la présente note. Aussi contentons-nous d’admettre que le régime communautaire d’importation des bananes, favorable aux exportateurs ACP, a été condamné dans le cadre de l’Organe de règlement des différends (ORD) de l’OMC - et avant cela par deux fois dans le cadre du Mécanisme de règlement des différends du GATT qui n’avait pas force exécutoire - et que l’UE a été sommée de le réformer de façon à le rendre compatible avec les conclusions de l’ORD. Un second Protocole sur la banane prévoyant une modification de la législation communautaire dans le sens d’une suppression du régime préférentiel en faveur des ACP a ainsi été intégré à l’Accord de Cotonou. Il stipule que les pays ACP concernés et la CE engageront des consultations en vue de réviser le règlement 404/93 sur le régime d’importation des bananes de façon à le rendre compatible avec l’OMC (note 16) . Or c’est à ce stade que le bât blesse pour plusieurs Membres de l’OMC dans la mesure où le nouveau règlement du Conseil sur la banane (216/2001) daté du 29 janvier 2001 n’a été communiqué aux Membres de l’OMC que très récemment, le 12 mars 2001 (G/C/W/254). Avant cela, nombreux étaient les Membres de l’OMC à dire qu’il leur était impossible de se prononcer sur la dérogation sans connaître précisément en quoi consisterait le nouveau régime communautaire d’importation des bananes. Lors de la dernière réunion du CCM, le 14 mars 2001, ces mêmes Membres opposés à la dérogation ont estimé que deux jours ne leurs avaient pas été suffisants pour étudier le nouveau règlement et qu’il faudrait y revenir lors de la prochaine réunion du CCM le 18 avril 2001. 

22. Sur les questions de procédure ensuite, les opposants à la dérogation ont fait valoir de nombreux points durant les discussions du CCM notamment quant à savoir à partir de quand le délai de 90 jours prévu par l’article IX.3(b) devait commencer. Car pour certains, le délai ne devrait courir qu’à compter du moment où chaque délégation dispose de toute la documentation nécessaire à se forger une opinion dans les trois langues officielles de l’OMC. Le nouveau règlement sur la banane était bien sûr visé par cet argument, mais également le texte même de l’Accord de Cotonou qui, comme on a vu, n’a été transmis dans son entier que le 4 mai 2000 (note 17D’autres ont argué du fait qu’avant que de pouvoir se prononcer, il leur était nécessaire d’obtenir de la CE des réponses à diverses questions qu’ils lui feraient parvenir. Enfin, passablement de temps a été perdu sur la question de savoir qui devait rédiger le projet de décision sur la dérogation comme sur le point de savoir sous quelle forme le Président du CCM devait rapporter de l’avancée des discussions auprès de Conseil général. Nombre de ces questions ayant désormais été levées, il semblerait que l’essentiel des conditions procédurales soient à présent réunies pour que le délai de 90 jours soit enfin lancé lors de la prochaine réunion du CCM le 18 avril prochain. Nul ne peut toutefois, à ce stade, préjuger de l’obtention ou non de la dérogation. 

C) Les APE d’après 2008 et l’OMC

23. Par essence, les ALE visant à réduire les obstacles tarifaires et non-tarifaires entre un nombre limité de Membres de l’OMC constituent une entorse au principe NPF qui a pour objectif de réduire les obstacles commerciaux de façon parallèle entre tous les Membres du système. Fort de son argument libre-échangiste, l’OMC les admet toutefois considérant qu’ils sont complémentaires du processus multilatéral de libéralisation des échanges et qu’ils sont favorables au développement du commerce entre nations. Juridiquement, c’est l’article XXIV du GATT de 1994 qui les légitime. Aux termes de cet article, et outre quelques conditions de forme quant à l’obligation de notifier tout nouvel ALE à l’OMC, les trois conditions de fond suivantes doivent être réunies pour qu’un ALE soit légitimé dans le cadre du système commercial multilatéral :

L’Accord ne doit pas entraîner une hausse du niveau de protection vis-à-vis des pays tiers Membres de l’OMC [XXIV.5(b)].

L’Accord doit couvrir la quasi totalité des échanges, autrement dit ne pas exclure un trop grand nombre de produits sensibles [XXIV.8(b)].

L’Accord doit être mis en œuvre dans un “délai raisonnable”, autrement dit dans un délai n’excédant dix ans que dans des cas exceptionnels [XXIV.5(c)].

24. A la lecture de ces trois conditions, les APE qui entreront en vigueur entre la CE et les pays ACP après 2008 seront-ils compatibles avec l’article XXIV du GATT de 1994 ? C’est, à dire vrai, très difficile de le déterminer en l’état actuel des choses. D’une part, nul ne sait encore ce que contiendront véritablement les APE, notamment quels produits en seront exclus (on pense ici aux produits agricoles) et dans quel délai ils seront effectivement mis en oeuvre. Mais d’autre part les termes de l’article XXIV sont passablement vagues et pourraient faire l’objet d’interprétations fort diverses à l’OMC. Un certain marchandage risque ainsi d’intervenir au sein du Comité des accords commerciaux régionaux de l’OMC lorsque les APE lui seront soumis pour approbation, marchandage dont les termes pourraient se rapprocher de ceux émis actuellement dans le cadre de la discussion sur la dérogation.

 

V. Conclusion

25. De façon générale, on peut admettre que le mouvement qui est lancé désormais avec l’Accord de Cotonou dans le domaine commercial met en péril les régimes commerciaux préférentiels non-réciproques. De fait, une restructuration des règles du commerce international en vigueur dans de nombreux PED est désormais en cours et les régimes asymétriques dont ces derniers bénéficiaient jusqu’à présent sont appelés à céder bientôt leur place à des arrangements plus conformes aux règles multilatérales de l’OMC. Il en résultera un accroissement de la place de Genève dans les discussions à caractère commercial et c’est sans doute dans cet esprit qu’il faut relever la récente décision du Secrétariat des pays ACP, dont le siège est à Bruxelles, d’ouvrir une représentation commerciale à Genève.

 

--------------------------------------------

Note 1 : Le Groupe ACP est constitué de 78 pays. Cuba fait partie de ce Groupe mais n’est pas signataire de l’Accord de Cotonou.  (retour texte)

Note 2 : En plus de ses 15 Etats membres, la Communauté européenne en tant que telle est également signataire de l’Accord.   (retour texte)

Note 3 : Sur un plan bilatéral également l’UE a conclu plusieurs Accords de libre échange, notamment avec les pays du Maghreb et du Mashreq, la Turquie, l’Afrique du Sud, le Mexique et plusieurs pays d’Europe de l’Est.  (retour texte)

Note 4 : 13.5 milliards d’euros au titre du 9ème Fonds européen de développement (FED) et 1.3 milliards d’euros au titre de la Banque européenne d’investissements (BEI). (retour texte)

Note 5 : La part des produits ACP sur le marché européen est passée de 6.7% en 1976 à seulement 3% en 1998 et 60% des exportations ACP continuent de ne reposer que sur 10 produits. (retour texte)

Note 6 : Le SGP est un système qui a été élaboré à la fin des années 60 sous l’égide de la CNUCED. Tout comme celui de Lomé, il s’agit d’un régime commercial préférentiel non-réciproque. Mais à la différence de Lomé, il s’adresse à l’ensemble des PED et est adopté sans négociations de façon unilatérale par chaque pays industrialisé (et est donc susceptible d’être également dénoncé unilatéralement). Les exemptions tarifaires et non-tarifaires qu’il contient sont généralement moins généreuses que celles prévues par Lomé et elles couvrent un nombre plus restreint de produits (dans le cas de l’UE, les produits agricoles en sont exclus). Vingt-sept pays industrialisés ont aujourd’hui un SGP en faveur des PED. En vertu d’une clause spéciale des Accords de l’OMC, le SGP est compatible avec les règles du système commercial multilatéral. L’UE révisera l’ensemble des dispositions de son SGP en 2004. (retour texte)

Note 7 :  L’Afrique du Sud, bien que membre du Groupe ACP et signataire de l’Accord de Cotonou n’en applique pas le volet commercial. Ses relations commerciales avec l’UE sont régies par un accord de libre échange (garantissant la réciprocité et incluant les produits agricoles) signé en 1999. (retour texte)  

Note 8 : Trois produits sensibles, le sucre, le riz et les bananes, feront toutefois l’objet d’une libéralisation progressive au cours d’une période transitoire menant à la libéralisation totale pour les bananes en 2006 et pour le riz et le sucre en 2009.  (retour texte)

Note 9 : Mentionnons que durant les négociations de l’Accord de Cotonou, plusieurs pays ACP ne relevant pas de la catégorie des PMA ont manifesté le désir de pouvoir bénéficier, au même titre que les PMA, d’une prolongation du régime de Lomé au-delà de 2008. Si la CE n’a pas exclu cette option durant les négociations, elle s’y montre toutefois très réticente. Cette problématique sera réexaminée en 2004 et l’Accord prévoit pour les non-PMA qui se déclareraient ne pas être en mesure de signer un APE d’éventuels “autres” régimes commerciaux qui soient à la fois “équivalents à la situation existante et conformes aux règles de l’OMC” (art. 37.6).  (retour texte)

Note 10 : A l’heure actuelle, on estime que selon les pays en développement, 45 à 65% de leurs recettes publiques sont issues des droits de douane (voir la Note de synthèse de l’ACICI : L'administration et la mise en œuvre de l'Accord sur l'évaluation en douane de l'OMC, octobre 2000). (retour texte)

Note 11 : Relevons toutefois que l’UE constitue un partenaire commercial fort important pour les pays ACP puisqu’on estime que près de 40% de leurs exportations lui sont destinée (près de 50% pour les ACP africains).  (retour texte)

Note 12 : Le principe NPF est si central dans la philosophie du régime juridique de l’OMC qu’il est annoncé de la façon la plus ostentatoire qui soit à l’article I de l’Accord GATT et à l’article II de l’AGCS. Il est également rappelé en plusieurs autres dispositions des divers Accords de l’OMC.   (retour texte)

Note 13 : Notons que l’entrée en matière est pour ainsi dire “obligatoire” dans la mesure où une demande de dérogation constitue un droit formel de chaque Membre.  (retour texte)

Note 14 : Les Etats Unis et la Malaisie (au nom de l’ASEAN) se sont aussi exprimés sur ce point.  (retour texte)

Note 15 : C’est peut être ici le lieu de rappeler que la dérogation de Lomé IV avait été obtenue avec quelques difficultés à l’époque alors même que les règles du GATT d’alors étaient plus flexibles que celles de l’OMC d’aujourd’hui. (retour texte)

Note 16 : Techniquement, il s’agit d’aboutir d’ici à 2006 à un régime sur les bananes dans lequel seuls des droits de douane préférentiels par rapport aux pays tiers seraient accordés aux pays ACP et où les quotas ne seraient plus utilisés. Dans la période transitoire, soit jusqu’à 2006, le système d’attribution des licences d’importations serait révisé sur une base “premier arrivé, premier servi” (first come, first served) ce qui, aux yeux des Etats Unis, continue à être discriminatoire à l’endroit des producteurs de bananes non-ACP, contrairement à la décision de l’ORD. La question n’est pas encore tranchée et fait l’objet d’intenses tractations entre l’UE et les Etats Unis. (retour texte)

Note 17 : Mentionnons à la décharge de la CE que lors du dépôt de la demande de dérogation les dispositions de l’Accord de Cotonou relatives au commerce et concernant l’OMC (qui ne constituent qu’une petite part de l’ensemble de l’Accord) avaient bien été transmises aux Membres de l’OMC dans les trois langues officielles. Le fait d’exiger l’entier de l’Accord dans les trois langues officielles constitue donc bien un argument strictement procédural dès lors que l’immense majorité des dispositions de l’Accord de Cotonou ne concernent pas la demande de dérogation.  (retour texte)

 

--------------------------------------------

 

Annexe 1 : Rappel historique des relations ACP – CE *

Avant les Conventions de Lomé (1957 – 1975)

La première Convention d’association des Pays et Territoires d’Outre-Mer francophones au Marché commun européen, en vue de leur développement économique et social, est signée le 25 mars 1957 pour cinq ans dans le cadre du traité de Rome. Après leur accession à l’indépendance au début des années 60, les liens avec la CEE ne sont pas rompus. La Convention définissant leur statut d’Etats associés est périodiquement renouvelée. Le 20 juillet 1963, la nouvelle Convention, dite de Yaoundé, établit une coopération financière, technique et commerciale entre la CEE et dix-huit Etats africains et malgache associés (EAMA). Le régime de libre échange existant depuis 1957 entre la CEE et ces Etats est maintenu, des mesures d’accélération destinées à favoriser les importations de produits tropicaux de ces pays sont prévues, et les droits de douane supprimés pour la plupart des produits importés dans la CEE. La Convention établit une zone de préférence douanière entre la CEE et les Etats associés. Les ressources du Fonds européen de développement (FED) pour financer des projets de développement agricole en Afrique sont augmentées. Pour compléter les actions du FED, la Banque européenne d’investissement (BEI) peut intervenir sous forme de prêts et d’avances pour régulariser les cours des produits tropicaux. Cette première Convention de Yaoundé est suivie d’une deuxième, signée en 1969, élargissant les attributions du FED avec la participation au capital d’entreprises industrielles africaines et l’octroi d’aides exceptionnelles pour compenser la baisse des prix des produits primaires.

Les Conventions de Lomé (1975 – 2000)

Avec l’élargissement de la CEE en 1972, les Conventions de Yaoundé et d’Arusha pour les pays anglophones sont remplacées par les Conventions de Lomé, comprenant désormais dans la coopération communautaire les pays anglophones. L’ensemble de ces pays sont appelés ACP (pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique). Quatre Conventions se succèdent depuis vingt-cinq ans. La première, Lomé I, est signée le 28 février 1975 par la CEE et quarante-six Etats ACP, (dix-neuf Etats déjà associés à la CEE, vingt et un Etats appartenant au Commonwealth et six Etats d’Afrique sans liens particuliers avec les pays de la CEE). Les trois premières Conventions sont signées pour cinq ans, Lomé II l’est le 31 octobre 1979 avec cinquante-sept ACP ; Lomé III, le 8 décembre 1984 avec soixante-six ACP ; Lomé IV est signée le 15 décembre 1989 pour dix ans et lie la CEE à septante pays ACP. Ces Conventions portent sur la coopération commerciale, industrielle, financière et technique.

Lomé I met en place le STABEX, système de stabilisation des recettes d’exportation des ACP contre les fluctuations de prix de certains produits de base de ces pays (café, coton, cacao, arachides). Lomé II institue le SYSMIN qui garantit la couverture des produits miniers si la baisse des cours est telle qu’elle menace le potentiel de production ou les recettes d’exportation des produits miniers des ACP. Au terme de Lomé IV, la quasi-totalité des produits des Etats ACP peuvent entrer sans restrictions quantitatives ni droits de douane dans la CEE, sans obligation de réciprocité. Les Accords étendent la coopération à l’environnement, la lutte contre la désertification, l’agriculture, la pêche, l’industrie, les services, et sont complétés par une coopération financière et technique. La CEE devient le premier partenaire commercial des pays en développement.

L’Accord de Cotonou

Des discussions dès 1996 puis des négociations à partir de 1998 sont engagées pour la révision de certaines dispositions de Lomé IV, la CEE souhaitant conditionner l’aide financière aux Etats ACP à leur volonté de s’engager dans un processus de démocratisation et de respect des droits de l’homme. Le 23 juin 2000, l’Union européenne et les 77 pays ACP signent à Cotonou un nouvel Accord de partenariat liant notamment l’aide au développement à une “dimension politique”.

* D’après : Dictionnaire des relations internationales au 20ème siècle, Armand Colin, Paris, 2000, p.158-159

Retour au texte

 

Annexe 2 : Les Etats parties à l’Accord de Cotonou

 

Pays

Membre OMC

Observateur OMC

PMA

Commonwealth

Francophonie

UE

 

Allemagne

.. 

.. 

.. 

 

 

Autriche

  .. 

.. 

.. 

 

 

Belgique

  .. 

.. 

.. 

 

Danemark

  .. 

.. 

.. 

 

 

Espagne

  .. 

.. 

.. 

 

 

Finlande

 .. 

.. 

.. 

 

 

France

 .. 

.. 

.. 

 

Grèce

 .. 

.. 

.. 

 

 

Irlande

 .. 

.. 

.. 

 

 

Italie

..   

.. 

.. 

 

 

Luxembourg

..   

..   

.. 

 

Pays-Bas

 .. 

..   

.. 

 

 

Portugal

 .. 

..   

.. 

 

 

Royaume-Uni

..   

..   

 

 

Suède

..   

..   

.. 

 

 

Communauté

 .. 

..   

.. 

 

Total UE

16

16

-

-

1

3

Afrique

 

Afrique du Sud

 

 

 

 

Angola

 

 

 

 

Bénin

 

 

 

Botswana

 

 

 

 

Burkina Faso

 

 

 

Burundi

 

 

 

Cameroun

 

 

 

Cap-Vert

 

 

 

Comores

 

 

 

 

Congo

 

 

 

 

Côte d’Ivoire

 

 

 

 

Djibouti

 

 

 

Erythrée

 

 

 

 

 

Ethiopie

 

 

 

 

Gabon

 

 

 

 

 

Gambie

 

 

 

Ghana

 

 

 

 

Guinée

 

 

 

Guinée-Bissau

 

 

 

Guinée Equatoriale

 

 

 

 

Kenya

 

 

 

 

Lesotho

 

 

 

Libéria

 

 

 

 

 

Madagascar

 

 

 

Malawi

 

 

 

Mali

 

 

 

Maurice

 

 

 

Mauritanie

 

 

 

Mozambique

 

 

 

Namibie

 

 

 

 

Niger

 

 

 

Nigéria

 

 

 

 

Ouganda

 

 

 

République Centrafricaine

 

 

 

RDC

 

 

 

Rwanda

 

 

 

Sao Tomé et Principe

 

 

 

 

Sénégal

 

 

 

Seychelles

 

 

 

 

Sierra Leone

 

 

 

Somalie

 

 

 

 

 

Soudan

 

 

 

 

Swaziland

 

 

 

 

Tanzanie

 

 

 

Tchad

 

 

 

Togo

 

 

 

Zambie

 

 

 

Zimbabwe

 

 

 

Total Afrique

48

38

5

33

19

24

Caraïbes

 

Antigua et Barbuda

 

 

 

 

Bahamas

 

 

 

 

Barbade

 

 

 

 

Bélize

 

 

 

 

Dominique

 

 

 

Grenade

 

 

 

 

 

Guyane

 

 

 

 

Haïti

 

 

 

Jamaïque

 

 

 

 

République Dominicaine

 

 

 

 

 

St Kitts et Nevis

 

 

 

 

St Lucie

 

 

 

St Kitts et Grenadines

 

 

 

 

Suriname

 

 

 

 

 

Trinité et Tobago

 

 

 

Total Caraïbes

15

14

1

1

11

3

Pacifique

 

Fidji

 

 

 

 

Kiribati

 

 

 

 

 

Papouasie-Nouvelle Guinée

 

 

 

 

Salomon

 

 

 

Samoa Occidentales

 

 

 

Tonga

 

 

 

 

Tuvalu

 

 

 

 

Vanuatu

 

 

Îles Cooks

 

 

 

 

 

 

Îles Marshal

 

 

 

 

 

 

Micronésie

 

 

 

 

 

 

Nauru

 

 

 

 

 

Niue

 

 

 

 

 

 

Palau

 

 

 

 

 

Total Pacifique

14

3

3

5

8

1

Total ACP

77

55

9

39

38

28

Total Cotonou

93

71

9

39

39

31

Retour au texte

 

 

Annexe 3 : Rappel de l’essentiel du régime de Lomé *

Fondement des relations commerciales liant les pays ACP à la CE depuis 1975, le régime de préférences commerciales non-réciproques visait à l’origine à faire augmenter les exportations de produits ACP en direction de l’Europe communautaire de façon à favoriser le développement et la réduction de la pauvreté dans les anciennes colonies européennes.

Ce régime accorde des avantages tarifaires et/ou certaines formes d’avantages non-tarifaires – essentiellement sur les quotas – aux produits ACP lors de leur entrée sur le territoire communautaire par rapport aux produits concurrents en provenance d’autres pays du globe. La “marge préférentielle” pour les produits ACP peut donc être calculée par différence entre le niveau des droits de douane perçus par l’UE sur les produits issus des non-ACP et celui réduit – voire nul – qui est perçu sur les mêmes produits en provenance des ACP.

Les préférences sont non-réciproques, c’est-à-dire que les pays ACP ne doivent pas en retour appliquer la même concession tarifaire aux produits en provenance de la CE qu’ils importent. Ceci est important à deux titres : D’abord parce que cela autorise les pays ACP à conserver leurs droits de douane et d’ainsi protéger les secteurs naissants de leur économie tout en conservant une part substantielle de leurs recettes fiscales. Ensuite parce que les régimes non-réciproques sont théoriquement incompatibles avec les règles et disciplines multilatérales de l’OMC dont 55 pays ACP sur 78 sont membres (voir partie IV de la note).

Une clause de sauvegarde du régime de Lomé autorise l’UE à réintroduire des protections tarifaires ou non-tarifaires sur les produits ACP s’il est avéré que l’importation de ces derniers provoque des perturbations importantes sur un secteur d’activité communautaire. A ce jour, cette clause a été très peu utilisée.

De façon à ce qu’il s’applique effectivement aux pays ACP et à eux seuls, un système rigoureux de règles d’origine fait partie intégrante du régime de Lomé. Il définit le degré minimal de transformation que doit subir un produit dans les ACP pour qu’il puisse être considéré comme en étant “originaire” et ainsi bénéficier des préférences. La part de matière non-originaire d’un produit ne doit pas excéder 15% de son prix à la sortie de l’usine. Les 85% restants pouvant faire l’objet de cumuls – dans le calcul de la part originaire – de la valeur ajoutée dans les autres pays ACP, dans les pays de l’UE ou dans quelques autres pays au bénéfice d’un accord, notamment dans le Maghreb et en Amérique du Sud. Le simple assemblage d’un produit dans un pays ACP ne lui accorde pas l’origine susceptible de le faire bénéficier des avantages du régime de Lomé.

Quant à son champ d’application, le régime de Lomé couvre tous les produits industriels ou transformés ainsi que les produits de base, principaux produits d’exportation de nombreux pays ACP. Par contre, le régime ne couvre pas les produits agricoles qui entrent dans le cadre de la politique agricole commune (PAC) de la Communauté. Pour ces produits, les préférences sont limitées ou font l’objet de protocoles spéciaux. Trois types de produits agricoles sont ainsi reconnus par le régime de Lomé faisant l’objet de trois régimes commerciaux distincts :

Les produits tropicaux, autrement dit les produits agricoles que seuls les ACP produisent et qui n’entrent donc en aucune façon en concurrence avec les produits agricoles communautaires (café, cacao, huile de palme, etc.). Ces produits peuvent entrer sur le territoire communautaire en totale franchise de douane.

Les produits tempérés, à savoir les produits agricoles qui sont susceptibles d’être produits tant par les ACP que par l’UE et qui se trouvent donc en concurrence directe (environ 25% des exportations agricoles ACP). Ces produits font l’objet de préférences partielles seulement, autrement dit d’exemptions partielles aux dispositions de la PAC qui protègent les agriculteurs communautaires. Elles prennent essentiellement la forme de réduction des droits de douane.

Les produits agricoles qui ne font l’objet d’aucune préférence pour les ACP. Ils sont très peu nombreux. 

Le régime de Lomé prévoit encore un régime spécial pour quatre produits agricoles issus des ACP sous la forme de quatre protocoles additionnels : le sucre, la viande bovine, les bananes et le rhum. Les protocoles prévoient un libre accès au marché communautaire pour ces quatre produits mais à des quantités spécifiquement établies et en provenance de certains producteurs ACP seulement, “sélectionnés et traditionnels”. Sur pressions extérieures surtout (cf. conflit de la banane au sein de l’OMC), le sort de ces quatre protocoles est aujourd’hui en discussion. Celui sur le rhum n’a pas été reconduit avec l’Accord de Cotonou ; celui sur la banane a été réformé suite à une décision du Mécanisme de règlement des différends de l’OMC et un second protocole sur la banane annexé à l’Accord de Cotonou et prévoyant une modification de la législation communautaire dans le sens d’une levée des préférences commerciales de la CE sur les bananes originaires des ACP est entré en vigueur (cf. note §21); celui sur la viande bovine est hypothéqué par une réforme planifiée de la PAC ; et les mécanismes de soutien au prix des exportations prévus par celui sur le sucre deviennent difficiles à tenir.

L’Accord de Cotonou a apporté quelques changements mineurs au régime de Lomé. Comme mentionné ci-dessus, le protocole rhum n’a pas été reconduit et celui sur la banane a été réformé. Dans le système des règles d’origine, le cumul de la part originaire de la valeur ajoutée est désormais admis avec l’Afrique du Sud sous certaines conditions. Mais c’est dans les dispositions financières du régime de Lomé que l’Accord de Cotonou apporte le plus de changements : Le STABEX et le SYSMIN (voir Annexe 1) ne sont pas reconduits et sont fondus dans le mécanisme de financement FED qui fait l’objet de profondes réformes tandis que quelques nouveaux instruments financiers, à hauteur de 2.2 milliards d’euros, sont institués dans le domaine de la promotion du secteur privé de l’économie.

* D’après : Henri-Bernard Solignac Lecomte, Les relations commerciales ACP – UE régionales après Cotonou : Quelles positions de négociation pour les ACP en 2002, Séminaire conjoint AIF – COMSEC, Genève 27-28 novembre 2000, p.6-7.

Retour au texte

 

Annexe 4 : Calendrier des négociations commerciales ACP – CE *

Dates

Négociations

Régime commercial

Jusqu’en septembre 2002

Préparation des négociations

Maintien avec les pays ACP (sans l’Afrique du Sud) des préférences

tarifaires non-réciproques de Lomé en vigueur actuellement (en assumant qu’une dérogation a été obtenue à l’OMC)

Printemps 2000

L’UE demande aux autres Membres de l’OMC une dérogation lui permettant de maintenir les préférences commerciales de Lomé jusqu’en 2008.

De septembre 2002 au

31 décembre 2007

L’UE négocie des APE avec les ACP, par groupes régionaux ou pays par pays

2004

● L’UE et les pays ACP étudient “toutes les alternatives possibles” pour les non-PMA qui “décident qu’ils ne sont pas en mesure” de signer des APE.

● Dans le même temps, l’UE révise son régime SPG

Du 1er janvier 2008 jusqu’en 2018-2020

Mise en place des nouveaux APE

● Fin du régime global “tous ACP” de Lomé

● Les pays ACP signataires d’APE ouvrent progressivement leur marché aux produits de l’UE

● Les PMA qui ont choisi de ne pas conclure d’APE conservent leurs préférences tarifaires non-réciproques héritées de Lomé

● Les non-PMA qui ont choisi de ne pas conclure d’APE bénéficient soit du SPG soit d’un nouveau régime encore à définir

A partir de 2018-2020

 

Mise en place des Accords de libre échange entre l’UE et les pays ACP signataires d’APE

 

Retour au texte

Début de page

 
Bienvenue | Présentations | Documentation | Portail du commerce| Orientation | Contact

© 1998 - 2001 ACICI. Webmaster: Design w/out Frontiers