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Note de synthèse

Juin 2003

Dossier thématique : Agenda Post-Doha
Les questions de Singapour : Commerce et investissement à l’OMC



Introduction
Le Programme de travail de Doha sur le commerce et l’investissement
Les éléments clés d’un éventuel cadre multilatéral pour l’investissement
La Conférence ministérielle de Cancún : Quelles sont les perspectives de négociation sur un cadre multilatéral de l’OMC pour l’investissement ?



I. Introduction

1. Dans le contexte d’une libéralisation mondiale des échanges et d’une internationalisation de plus en plus importante des réseaux de production, l’investissement étranger direct (IED) s’est considérablement développé depuis les années 1990. En 1999, les flux totaux d’IED ont atteint les 800 milliards de dollars US [Note 1] et, en 2001, ont dépassé les 750 milliards de dollars, dont environ 220 milliards étaient destinés aux pays en développement [Note 2]. En outre, les domaines du commerce et de l’investissement sont de plus en plus étroitement liés au sein de l’économie mondiale. Aujourd’hui, les transactions entre les sociétés multinationales et leurs filiales étrangères constituent plus d’un tiers des échanges du commerce international, alors qu’un autre tiers repose sur le commerce effectué entre ces mêmes sociétés et leurs fournisseurs [Note 3].

2. Le débat relatif au commerce et à l’investissement s’est de plus en plus polarisé, que ce soit parmi les décideurs ou dans la société civile (notamment les ONG, les groupes de consommateurs, les organisations syndicales, etc.). Les négociations relatives à l’Accord multilatéral sur l’investissement (AMI) qui ont échoué à l’OCDE illustrent bien cette polarisation d’opinions concernant l’utilité d’établir des règles sur l’investissement au niveau multilatéral.

3. Concernant les accords internationaux sur l’investissement, qu’ils soient bilatéraux, régionaux ou multilatéraux, il est nécessaire de trouver un juste milieu entre le fait d’établir des règles prévisibles, qui aideraient à réduire les risques pris par l’investisseur étranger et favoriseraient donc les flux d’IED d’un côté, et, de l’autre, celui de conserver une certaine flexibilité envers les pays d’accueil afin qu’ils puissent mettre en œuvre leurs politiques en matière d’économie et de développement.

4. Les partisans d’un Accord de l’OMC sur l’investissement avancent que des règles multilatérales sur l’investissement permettraient aux gouvernements membres de mieux faire face aux évolutions des flux d’investissement et des réseaux de production reposant sur des stratégies globales d’entreprise. De plus, une approche multilatérale serait plus avantageuse pour les pays plus petits et plus pauvres, qui n’ont qu’un pouvoir de négociation limité, voire pas de pouvoir de négociation du tout, lorsqu’ils négocient de façon bilatérale avec leurs principaux partenaires économiques. Les accords bilatéraux ou régionaux risquent de porter préjudice aux intérêts des pays tiers car ils sont discriminatoires par définition en plus d’être coûteux en termes de négociation et de gestion. Les membres en faveur d’un accord multilatéral estiment également que cela aiderait à accroître les flux d’investissements étrangers dans le monde car des règles multilatérales fourniraient davantage de garanties juridiques aux investisseurs et encourageraient la prise d’engagements en faveur d’une libéralisation de l’accès aux marchés pour les investissements étrangers. Cependant, ils reconnaissent également qu’il ne faudrait pas surévaluer l’augmentation de l’IED que l’établissement d’un accord multilatéral entraînerait et que la distribution géographique des flux d’IED continuerait de dépendre en premier lieu des conditions spécifiques de chaque pays. 

5. D’un autre côté, certains membres de l’OMC restent fermement opposés à la création d’un accord sur l’investissement à l’OMC en faisant valoir que cela réduirait leur « marge de manœuvre en matière de politiques », c’est-à-dire leur capacité à mettre en œuvre des politiques d’investissement selon leurs propres objectifs de développement. Selon eux, les accords sur l’investissement bilatéraux ou régionaux sont mieux adaptés à cet effet car ils fournissent la protection que demandent les investisseurs étrangers tout en laissant le pays d’accueil gérer l’admission de sociétés étrangères sur leurs territoires et dans leurs activités. Ils estiment que la conclusion d’accords bilatéraux leur laisserait davantage de flexibilité que des négociations multilatérales au sein de l’OMC. A ce sujet, ils soulignent le fait que la plupart des accords sur l’investissement bilatéraux ne couvrent que le traitement après établissement d’un investissement étranger, laissant ainsi le pays d’accueil décider du traitement avant établissement (c’est-à-dire l’admission d’un investissement) selon ses politiques et ses lois nationales. Ils soutiennent également que les avantages d’un accord d’investissement multilatéral sont loin d’être prouvés et que cela ne va pas forcément entraîner une augmentation des flux d’IED pour les pays en développement. Dans l’ensemble, ils pensent que l’ouverture des marchés aux investissements étrangers et le fait que les gouvernements seront limités dans leur capacité à gérer leurs activités seront un prix à payer bien supérieur aux avantages qui pourraient être obtenus en négociant un accord sur l’investissement à l’OMC.

II. Le Programme de travail de Doha sur le commerce et l’investissement

6. Bien qu’un certain nombre d’Accords de l’OMC contiennent des dispositions concernant l’investissement étranger [Note 4], il n’existe actuellement à l’OMC aucun ensemble de règles traitant de ce sujet de façon spécifique et globale. Depuis la conclusion du Cycle d’Uruguay et la création de l’OMC en 1995, plusieurs membres ont étudié la possibilité de négocier des règles multilatérales sur l’investissement étranger dans le cadre de l’OMC.

7. A la première Conférence ministérielle de l’OMC, qui s’est tenue à Singapour en décembre 1996, les membres ont décidé de commencer une analyse des liens entre commerce et investissement. Le Groupe de travail de l’OMC qui a été établi dans ce but s’est réuni de façon régulière afin d’examiner les liens entre commerce et investissement sous différents angles, dont notamment celui de la contribution de l’investissement étranger à la croissance économique et au développement et des avantages et inconvénients des accords d’investissement bilatéraux, régionaux et multilatéraux.

8. En novembre 2001, à la quatrième Conférence ministérielle qui s’est tenue à Doha (Qatar), les ministres de l’OMC ont reconnu « les arguments en faveur d'un cadre multilatéral destiné à assurer des conditions transparentes, stables et prévisibles pour l'investissement transfrontières à long terme, en particulier l'investissement étranger direct » [Note 5]. Ils ont également convenu que les négociations dans ce domaine se dérouleraient après la cinquième session de la Conférence ministérielle, prévue à Cancún, Mexique, en septembre 2003, « sur la base d'une décision qui sera prise, par consensus explicite, à cette session sur les modalités des négociations » [Note 6]. Jusqu’à cette période, les ministres ont demandé au Groupe de travail de l’OMC de porter son attention sur la clarification d’un certain nombre de questions liées à un éventuel cadre multilatéral pour l’investissement [Note 7] et de définir plusieurs principes dont il faudra tenir compte, en particulier le fait d’inclure une dimension développement au cadre, de garantir le « droit de réglementer dans l'intérêt général » pour les gouvernements et de s’assurer que tout nouveau cadre pour l’investissement soit compatible avec les autres Accords de l’OMC ainsi que les accords bilatéraux et régionaux déjà existants sur l’investissement.

9. Depuis la Conférence ministérielle de Doha, le Groupe de travail est passé du domaine « éducatif » et analytique à un débat beaucoup plus intense sur les éléments clés qu’un éventuel cadre de l’OMC pour l’investissement pourrait contenir. Cela ne signifie pas pour autant qu’il existe un consensus parmi les membres sur l’utilité et la réalisation d’une telle structure. Parmi les pays développés, le Canada, le Japon et l’Union européenne sont très favorables à la mise en place de règles relatives à l’investissement au sein de l’OMC. Les Etats-Unis, qui étaient au départ réservés sur le fait de négocier un accord sur l’investissement dans ce forum ont actuellement une approche plus proactive et se disent en faveur du lancement de telles négociations. Parmi les pays en développement membres, la plupart des pays latino-américains seraient prêts à négocier un accord multilatéral sur l’investissement si des progrès suffisants sont enregistrés dans d’autres domaines du Programme de travail de Doha, en particulier celui de l’agriculture. La Chine s’est dite favorable à la tenue de négociations, mais sous certaines conditions (par exemple que l’accord se limite à l’investissement étranger direct). D’autres pays en développement, notamment l’Inde et quelques pays d’Asie du Sud-Est, refusent l’idée d’un accord sur l’investissement à l’OMC au motif que cela réduirait leur capacité à appliquer des politiques d’investissement selon leurs propres objectifs de développement. Les pays les moins avancés et, en particulier, les pays africains, acceptent quant à eux la logique d’un accord multilatéral en le préférant aux approches bilatérales actuelles, tout en soulignant que le Programme de travail de Doha est surchargé et qu’ils manquent de ressources humaines et de capacité institutionnelle pour pouvoir participer de façon adéquate à d’éventuelles négociations relatives à l’investissement.

10. Bien que les débats au sein du Groupe de travail aient aidé à clarifier et à mieux comprendre les conséquences d’un possible accord sur l’investissement pour les membres, il n’a pas encore été décidé si des négociations auraient lieu à l’OMC dans ce domaine.

III. Les éléments clés d’un éventuel cadre multilatéral pour l’investissement

11. Conformément à son mandat, le Groupe de travail des liens entre commerce et investissement a examiné en détail les sept éléments clés mentionnés au paragraphe 22 de la Déclaration ministérielle de Doha, de même que d’autres questions liées à l’éventuel établissement d’un cadre pour l’investissement. Les paragraphes suivants reprennent les questions principales qui ont été soulevées par les membres au cours de leurs débats [Note 8].

12. Portée et définition. Les discussions ont porté sur la question de savoir si la définition de l’investissement dans le futur accord devrait se limiter à l’IED (définition étroite) ou si celle-ci devait également englober les investissements de portefeuille et d’autres catégories d’investissements (définition large). Les partisans de la définition étroite avancent que cela permettrait aux membres d’attirer un IED productif à long terme, qui contribuerait plus directement à la croissance économique et commerciale tout en évitant les risques financiers associés aux mouvements de capitaux à court terme, en particulier ceux de nature spéculative. De même, une définition étroite établirait clairement la portée de l’accord dès le départ et il ne serait dès lors pas nécessaire de délimiter son champ d’application par la mise en oeuvre de dispositions de fonds. Cette opinion est partagée par la majorité des membres, dont certains des principaux partisans des négociations (Japon, UE). Selon un autre point de vue, une définition large permettrait de mieux exprimer la nature fluctuante des flux financiers internationaux et des nouvelles formes d’investissement, comme les coentreprises et les alliances stratégiques, et éviterait d’obtenir un cadre qui deviendrait rapidement obsolète. En outre, dans un monde de transactions financières complexes, il est de plus en plus difficile, et pas toujours justifié, de faire une distinction entre investissement direct et indirect. Les membres en faveur d’une définition large (notamment les Etats-Unis) font valoir que les pays d’accueil ne bénéficieraient pas forcément de moins de flexibilité pour traiter distinctement les différentes catégories d’investissement. Selon eux, une certaine flexibilité peut être obtenue non pas en réduisant la définition de l’investissement mais par le biais de dispositions de fonds contenues dans l’accord et d’engagements spécifiques.

13. Transparence. Le débat n’a pas tant porté sur l’importance de la transparence afin d’assurer un climat prévisible et stable propice à l’investissement direct – ce sur quoi tous les membres ont été d’accord – que sur la nature et la portée des obligations en matière de transparence dans le cadre d’un éventuel accord de l’OMC sur l’investissement. Etant donné que les obligations en matière de transparence ne sont pas mises en évidence dans les accords sur l’investissement internationaux, les membres estimaient que les dispositions de l’OMC relatives à la transparence fournissaient un point de départ utile pour le débat. La plupart d’entre eux sont d’accord sur le fait que le concept de transparence implique deux conditions de base : que les lois, les règlements ainsi que d’autres politiques appropriées soient mises à disposition du public et les lois et dispositions pertinentes soient notifiées aux parties intéressées, de même que des changements éventuels qui seraient apportés. Cependant, les opinions divergent sur la question de savoir si la transparence implique également des obligations relatives à la façon dont les lois et les dispositions sont appliquées. Il a été souligné que puisque l’investissement fait l’objet d’un plus grand nombre de dispositions nationales que le commerce, la portée des dispositions en matière de transparence contenues dans l’éventuel cadre pour l’investissement sera beaucoup plus large. A cet égard, certains ont insisté sur la nécessité de clairement définir l’étendue et les limites des dispositions en matière de transparence dans un cadre tel que celui-ci. D’autres ont exprimé leur inquiétude quant aux capacités techniques et en matière de ressources dont disposent les pays en développement pour répondre aux obligations en matière de transparence. Dans le même domaine, une autre question a été soulevée sur la nécessité de fournir aux pays d’accueil une assistance technique et un renforcement des capacités afin de les aider à rendre leurs régimes relatifs à l’investissement plus transparents. Quelques pays en développement ont proposé que les dispositions en matière de transparence s’appliquent aux investisseurs et aux pays d’origine ainsi qu’aux pays d’accueil. Cette opinion a été fortement contestée par d’autres.

14. Non-discrimination. Les membres ont débattu sur la question de savoir dans quelle mesure le principe de non-discrimination, tel que contenu dans le traitement national et celui de la Nation la plus favorisée (NPF), devrait être inclus dans un éventuel accord multilatéral sur l’investissement. Une distinction a été faite entre l’application de normes discriminatoires lors du traitement avant et après établissement. L’application de ces normes lors du traitement après établissement (c’est-à-dire lorsque l’investissement a été établi) ne semble pas poser de problèmes majeurs à condition qu’elle soit soumise à certaines exceptions, comme c’est le cas pour beaucoup de traités d'investissement bilatéraux. En revanche, l’idée d’étendre le principe de non-discrimination – et le traitement national en particulier – au traitement avant établissement est davantage controversée en raison du possible impact qu’elle pourrait avoir sur la capacité des pays d’accueil à gérer l’entrée d’investissements étrangers. Une autre distinction a été établie entre le traitement national et le principe NPF. Beaucoup de membres ont convenu que, afin de garantir une égalité de traitement aux investisseurs étrangers et de conserver une certaine uniformité avec les autres Accords de l’OMC, le principe NPF devrait être une règle d’application générale tant avant qu’après établissement. D’un autre côté, il existe de grandes divergences d’opinion concernant l’application du traitement national. Certains membres sont d'avis que celui-ci devrait s'appliquer à toutes les étapes de l'investissement – son entrée, son exploitation et sa liquidation ; d’autres estiment que les pays d'accueil, en particulier les pays en développement, devraient pouvoir conserver la liberté de traiter les investisseurs étrangers et nationaux de façon différente et de contrôler, de filtrer et de canaliser l'investissement étranger conformément à leurs lois et à leurs politiques nationales. Dans le même ordre d’idées, il s’agit de déterminer si les normes de non-discrimination devraient s’appliquer différemment aux diverses catégories d’investissement. Alors que quelques membres sont d’avis que les pays d’accueil devraient pouvoir établir une distinction entre l’IED et les investissements de portefeuille à court terme, d’autres avancent que le traitement non-discriminatoire devrait s’étendre à toutes les formes d’investissements.

15. Modalités pour des engagements avant établissement reposant sur une approche fondée sur des listes positives de type AGCS.  Le point principal est ici d’examiner la façon dont les engagements pris par les membres avant établissement (c’est-à-dire des engagements en matière d’accès aux marchés) pourraient être inscrits dans un éventuel accord multilatéral sur l’investissement. Le débat a principalement porté sur les avantages comparatifs de l’approche dite des « listes positives » de type AGCS (selon laquelle l’accès aux marchés et d’autres obligations ne s’appliquent qu’aux secteurs pour lesquels un membre a accepté de prendre des engagements) et de l’approche fondée sur des « listes négatives » (selon laquelle les pays introduisent des exceptions aux règles d’application générale), utilisée dans la plupart des accords internationaux sur l’investissement. Un grand nombre de membres, dont certains pays en développement et les principaux partisans de l’établissement d’un accord sur l’investissement à l’OMC (Japon et UE), préfèrent l’approche dite des « listes positives » car elle permet aux pays d’accueil de choisir les secteurs qu’ils souhaitent ouvrir à l’investissement étranger et les conditions d’un tel acte. Plus particulièrement, ils estiment que cette approche permettrait aux pays en développement de bénéficier d’une flexibilité accrue pour continuer leurs politiques de développement et prendre des engagements proportionnels à leurs besoins et à leur situation en matière de développement. D’autres membres, dont les Etats-Unis, considèrent qu’il serait préférable d’appliquer entièrement le traitement national/NPF basé sur une approche dite des « listes négatives » car l’utilisation de « listes positives » limiterait de façon significative la portée de l’accès aux marchés et la garantie d’un traitement non-discriminatoire. Selon eux, l’approche dite des « listes positives » est par nature moins transparente et exige qu’une mise à jour régulière soit effectuée afin qu’elle reste pertinente. Enfin, il est à noter que certains pays en développement membres jugent que les engagements avant établissement ne devraient en aucun cas faire partie d’une approche multilatérale de l’investissement.

16. Dispositions relatives au développement.  Un grand nombre de membres partagent l’opinion selon laquelle les dispositions relatives au développement devraient faire partie intégrante des dispositions de fonds et structurelles de tout cadre multilatéral pour l’investissement. La question cruciale est de savoir comment trouver un équilibre afin, d’un côté, de permettre aux membres de bénéficier d’une certaine flexibilité ou « marge de manœuvre en matière de politiques » à des fins de développement et, de l’autre, d’assurer un cadre transparent, stable et prévisible en matière d’investissement. Il est particulièrement important pour les pays en développement de pouvoir conserver une certaine flexibilité afin de réglementer l’entrée d’investissements étrangers (par exemple en filtrant les procédures et les conditions d’entrée) et de mettre en œuvre des politiques visant à maximiser la contribution de l’investissement étranger au développement social et économique (par exemple en utilisant des mesures incitatives et des prescriptions de résultats). Il a été suggéré qu’une certaine flexibilité pouvait être incluse dans les dispositions de fonds d’un accord et/ou par le biais de dispositions spéciales ou d’exceptions à des fins de développement. A cet effet, les débats se sont centrés sur la question de savoir si l’AGCS offrait un modèle utile destiné à assurer une « marge de manœuvre en matière de politiques » dans un cadre relatif à l’investissement. Certains estiment que l’approche des « listes positives » de l’AGCS, basée sur une libéralisation sélective et progressive, est plus flexible et davantage axée sur le développement qu’une approche fondée sur des « listes négatives ». Selon certains pays en développement, étant donné que l’AGCS est un accord commercial, il a peu d’utilité dans la réglementation des flux de capitaux et ne serait pas en mesure de fournir la flexibilité dont ils ont besoin. Pourtant, il existe une autre opinion selon laquelle l’utilisation de l’approche appliquée par l’AGCS ne permettrait pas d’obtenir le climat d’investissement transparent et ouvert que souhaitent les pays en développement afin d’attirer l’IED. Etant donné que la dimension développement est considérée comme une question horizontale, un certain nombre de possibilités ont été proposées afin de l’intégrer dans plusieurs éléments d’un éventuel accord sur l’investissement, dont notamment : limiter la définition de l’investissement à l’IED ; permettre aux pays en développement de bénéficier d’une plus grande flexibilité avant établissement ; fournir des mécanismes de transition afin d’intégrer progressivement des engagements et formuler des exceptions spéciales ou des exemptions permanentes pour les pays en développement.

17. Exceptions et sauvegardes concernant la balance des paiements. Il est généralement reconnu que les exceptions permettant aux membres de répondre aux préoccupations du public ainsi que celles en matière de sécurité ou de balance des paiements doivent faire partie intégrante de tout accord sur l’investissement. Il est également admis que les exceptions générales et relatives à la sécurité appliquées actuellement par l’OMC peuvent servir de référence pour élaborer des dispositions similaires contenues dans un cadre pour l’investissement et que des conditions et des critères clairs devraient être inclus dans ces exceptions. La nécessité d’incorporer des exceptions concernant les accords d'intégration régionale, en particulier concernant les obligations NPF a également été mentionnée. Il serait aussi particulièrement pertinent d’inclure des sauvegardes relatives à la balance des paiements dans un accord sur l’investissement car elles pourraient être utiles pour répondre aux préoccupations relatives aux effets déstabilisants provoqués par les flux de capitaux à court terme. Dans le même temps, beaucoup de membres ont souligné la nécessité de garantir le libre transfert de l’investissement et des paiements qui y sont associés. Il a également été suggéré qu’il faudrait porter une attention particulière aux procédures, conditions et applications précises de toute disposition de sauvegarde, ainsi qu’à la compatibilité d’un éventuel accord sur l'investissement à l'OMC avec les Statuts du FMI.

18. Consultations et règlement des différends entre les membres. La plupart des membres ont convenu qu’un accord de l’OMC sur l’investissement devrait être subordonné au mécanisme de règlement des différends actuel de l’OMC, tel que contenu dans le Mémorandum d’accord sur le règlement des différends. Cependant, plusieurs questions ont été soulevées quant à l’applicabilité de certaines dispositions du Mémorandum d’accord sur le règlement des différends dans le contexte de l’investissement. Certains membres se sont dit préoccupés par la portée des situations de non-violation [Note 9] si les règles sur l’investissement relevaient du Mémorandum d’accord sur le règlement des différends. D’autres se sont interrogés sur la façon dont les dispositions sur la compensation et la suspension des concessions (contre-mesures) s’appliqueraient aux différends en matière d’investissement, en soulignant la difficulté de déterminer les niveaux de compensation, en particulier concernant les plaintes en situation de non-violation et les cas impliquant une violation des engagements avant établissement. Des membres se sont également dit inquiets de la possibilité que les contre-mesures soient appliquées dans le domaine commercial en cas de différends en matière d’investissement (rétorsions croisées). Pour ce qui est de l’introduction de dispositions relatives au règlement de différends entre investisseurs et Etat, un élément clé qui figure dans beaucoup d’accords internationaux sur l’investissement, la majorité des membres se sont déclarés hostiles à cette idée car si les investisseurs individuels ont le droit d’engager des poursuites contre des Etats d’accueil, des changements fondamentaux devraient être apportés au Mémorandum d’accord sur le règlement des différends, qui ne s’applique pour l’instant qu’aux différends entre Etats membres. Une autre question clé est de savoir comment les dispositions relatives au règlement des différends et contenues dans un cadre de l’OMC pour l’investissement seraient liées aux dispositions relatives au règlement des différends contenues dans des accords bilatéraux et régionaux sur l’investissement, en particulier pour ce qui est du mécanisme investisseur - Etat. A cet égard, il a été souligné qu’il serait sans doute nécessaire de créer des règles afin d’éviter les doubles emplois et le problème de ce qu’il est convenu d’appeler « la recherche de l'instance la plus favorable ».

IV. La Conférence ministérielle de Cancún : Quelles sont les perspectives de négociation sur un cadre multilatéral de l’OMC pour l’investissement ?

19. Il est difficile à l’heure actuelle de commenter la possibilité qu’une Décision ministérielle soit prise à Cancún sur le lancement de négociations relatives à un accord sur l’investissement. Il n’a pas encore été non plus clairement établi si les « modalités » des négociations auxquelles il est fait allusion dans la Déclaration de Doha traiteront uniquement des aspects procéduraux (par exemple la création d’un groupe de travail, les délais, le lien entre les négociations sur l’investissement et le reste du Programme de travail de Doha), ou si elles devront également définir le champ d’application substantiel des négociations futures. Les membres débattent de cette question au Conseil général et ce sera aux ministres de l’OMC de prendre la décision, « par consensus explicite », lorsqu’ils se rencontreront à Cancún en septembre 2003.

20. Dans une perspective d’avenir, pour que la totalité des membres soutiennent la création d’un éventuel cadre de l’OMC pour l’investissement, il est clair que celui-ci devra fournir une flexibilité suffisante afin de permettre à chaque membre, et en particulier aux pays en développement et aux pays les moins avancés, de prendre des engagements contraignants qui soient compatibles avec leurs besoins et leurs capacités individuels. Cela a été en fait reconnu par les rédacteurs de la Déclaration de Doha, qui, au paragraphe 22, stipule que :

« Les besoins spéciaux des pays en développement et des pays les moins avancés en matière de développement, de commerce et de finances devraient être pris en compte en tant que partie intégrante de tout cadre, qui devrait permettre aux Membres de contracter des obligations et des engagements qui correspondent à leurs besoins et circonstances propres. »

21. Cependant, comment, pour un tel accord, trouver un équilibre entre une certaine flexibilité et un ensemble de disciplines efficaces destinées à garantir des conditions transparentes et stables aux investissements étrangers ? Sur la base des débats qui ont eu lieu au sein du Groupe de travail, il semblerait que le cadre devrait inclure des règles relatives à la fois aux investissements étrangers directs et  aux investissements de portefeuille, de même qu’aux traitements avant et après établissement pour pouvoir recueillir le soutien des membres qui ont beaucoup d’ambition pour tout cadre de l’OMC pour l’investissement. En même temps, Il faudrait qu’il soit en mesure de fournir aux autres membres une flexibilité suffisante lorsqu’ils appliqueront les obligations en vertu de ce cadre. Cela peut signifier, par exemple, que les pays en développement prennent des engagements uniquement en matière d’investissement étranger direct, uniquement concernant le traitement après établissement et uniquement sur la base d’une approche « des listes positives » pour l’établissement des listes d’engagements.

22. Par conséquent, le cadre général fournirait un haut niveau et un large éventail de droits et obligations afin de tenir compte de ceux qui cherchent à obtenir un accord ambitieux dans ce domaine. Cependant, chaque membre pourrait avoir le choix de prendre beaucoup d’engagements ou, à l’inverse, très peu, selon ses besoins individuels et son niveau de développement économique. On pourrait s’attendre à ce que les pays développés soient désireux de prendre un grand nombre d’engagements dans la plupart des domaines, si ce n’est dans tous, alors que les pays en développement et les pays les moins avancés seraient plus enclins à prendre moins d’engagements au départ et à augmenter progressivement le nombre d’obligations internationales dans ce domaine. Dans cette optique, il serait important de garantir qu’il ne serait pas demandé aux pays en développement de prendre des engagements réciproques afin de bénéficier des obligations prises par d’autres membres.

23. Enfin, il devrait être précisé que la possibilité de lancer des négociations relatives à l’investissement à Cancún dépendront largement des progrès effectués dans d’autres domaines du Programme de travail de Doha. Etant donné qu’un grand nombre de pays en développement concentrent leurs intérêts sur d’autres questions, leur soutien envers les négociations sur l’investissement va dépendre des résultats tangibles qui pourraient être obtenus dans des domaines tels que l’agriculture, l’accès aux médicaments brevetés pour le traitement du VIH, de la malaria ou d’autres maladies, la mise en œuvre effective des accords existants (comme par exemple l’élimination des contingents appliqués aux textiles) et le renforcement des dispositions en matière de traitement spécial et différencié en faveur des pays en développement.



Note 1 : CNUCED, Rapport sur l’investissement dans le monde, 2000, Nations Unies, New York et Genève, 2000, p. 5. (retour texte)

Note 2 : CNUCED, TAD/INF/PR36, 21 janvier 2002 ; selon les dernières estimations, les flux totaux d’IED ont baissé d’environ 540 milliards de dollars US en 2002, Rapport de l’ONU sur la Situation économique mondiale et perspectives 2003, New York, Janvier 2003. Cette forte réduction illustre bien les incertitudes qui prévalent face à la situation économique mondiale, la faiblesse des marchés boursiers et la baisse de confiance du consommateur et du monde des affaires au cours des deux dernières années. (retour texte)

Note 3 : CNUCED, Rapport sur l’investissement dans le monde, 1999, Nations Unies, New York et Genève, 1999, p. xix. (retour texte)

Note 4 : Il s’agit plus particulièrement de l’Accord général sur le commerce des services (AGCS) ; de l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) ; de l’Accord sur les mesures concernant les investissements et liées au commerce (MIC) et de l’Accord sur les subventions et les mesures compensatoires (SMC). (retour texte)

Note 5 : Déclaration ministérielle de Doha, paragraphe 20. (retour texte)

Note 6 : Ibid. (retour texte)

Note 7 : Il s’agit des questions suivantes : portée et définition ; transparence ; non-discrimination ; modalités pour des engagements avant établissement reposant sur une approche fondée sur des listes positives de type AGCS ; dispositions relatives au développement ; exceptions et sauvegardes concernant la balance des paiements ; consultations et règlement des différends entre les membres. Déclaration ministérielle de Doha, paragraphe 22. La section III ci-dessous contient un bref exposé des débats sur ces questions. (retour texte)

Note 8 : Pour plus de détails, voir le Rapport (2002) du Groupe de travail des liens entre commerce et investissement au Conseil général (WT/WGTI/6). (retour texte)

Note 9 : Les situations de « non-violation » se produisent lorsqu’un membre estime qu’un autre membre a annulé ou réduit les avantages dont il bénéficie en application d’un Accord de l’OMC, même dans les cas pour lesquels il n’existe pas de conflit direct avec les dispositions de l’Accord. (retour texte)

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